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Israël frappe Doha le 9 septembre 2025 — Quand la paix est bombardée!

L'ÉPOQUE - L’ÉPOQUE condamne avec la plus grande fermeté le bombardement israélien sur Doha du 9 septembre 2025. Cet acte constitue un sabotage délibéré des négociations de paix, une violation flagrante de la souveraineté du Qatar et une atteinte grave au droit international. En visant le médiateur, on frappe la paix elle-même : la diplomatie devient champ de bataille et la souveraineté, un mirage. La communauté internationale doit refuser ce précédent, faute de quoi l’ordre mondial basculerait dans l’ère de la force sans loi.

Doha restera comme le symbole : celui d’une paix bombardée, mais aussi de l’urgence de la défendre.


10.09.2025 © L'ÉPOQUE PARIS


Par Nereides de Bourbon


Israël frappe Doha le 9 septembre 2025 — Quand la paix est bombardée!

Il est des instants où l’histoire se condense dans un éclair de violence et se trahit elle-même. Le raid israélien sur Doha, capitale d’un État tiers médiateur, constitue moins un épisode qu’une fracture. Ce n’est pas seulement une frappe militaire : c’est une blessure infligée à la souveraineté, un sabotage de la diplomatie, une gifle à l’ordre international patiemment édifié depuis 1945. À l’heure où l’humanité croit encore pouvoir s’adosser à la Charte des Nations Unies, l’attaque du 9 septembre 2025 résonne comme une mise à mort symbolique de la norme universelle : l’interdiction du recours unilatéral à la force.


Les faits bruts, ou la nudité du réel


Le 9 septembre 2025, en plein cœur du quartier de Leqtaifiya à Doha, une explosion d’une précision chirurgicale — revendiquée sans détour par les Forces de défense israéliennes — a visé la délégation politique du Hamas réunie pour examiner une proposition de cessez-le-feu soutenue par Washington.


Le bilan, officiel mais encore incertain, fait état de six morts : le fils de Khalil al-Hayya, figure majeure des négociations, son directeur de cabinet, trois gardes du corps et un agent de la sécurité qatarie. Les principaux dirigeants de Hamas auraient survécu, selon l’organisation elle-même, mais l’intention est claire : décapiter la chaîne décisionnelle de ceux qui, paradoxalement, se trouvaient engagés dans une discussion sur la paix.


L’effet immédiat dépasse le nombre de victimes. La frappe a pulvérisé le fragile échafaudage diplomatique patienté par les États-Unis, le Qatar et l’Égypte. Elle a introduit dans le champ des négociations une variable brutale : la démonstration que nulle table, fût-elle protégée par un État tiers souverain, n’est à l’abri d’une frappe téléguidée.


La réaction fut planétaire. Le Premier ministre du Qatar a parlé de « terrorisme d’État », la France a dénoncé une action « inacceptable, quel qu’en soit le motif », l’Union européenne a rappelé la violation du droit international, et le Secrétaire général de l’ONU a évoqué une atteinte flagrante à la souveraineté. L’image de Doha, capitale paisible de la médiation, bombardée comme une base insurgée, a sidéré l’opinion publique mondiale.


Le droit piétiné, ou l’érosion de la Charte des Nations Unies


Depuis 1945, la norme cardinale est inscrite à l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies : « Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. »


En frappant Doha, Israël ne prétend pas seulement poursuivre une opération de légitime défense ; il s’arroge le droit de franchir la frontière invisible qui sépare la guerre déclarée d’un conflit exporté sur le sol d’un État tiers, souverain, reconnu, membre de l’ONU.


Certes, l’article 51 consacre le droit naturel de légitime défense « en cas d’agression armée ». Mais la doctrine est claire : il faut démontrer la réalité d’une attaque imminente, l’absence d’alternative et la proportionnalité de la riposte. Or, quel danger immédiat émanait d’une réunion politique sous le toit qatari, loin de Gaza et sous le regard de la diplomatie américaine elle-même ?


Les juristes internationalistes rappellent que la thèse dite du « unwilling or unable », développée par certains États pour justifier des frappes contre des acteurs non étatiques réfugiés dans un pays tiers, n’a jamais fait consensus. Elle demeure une interprétation extensive, voire abusive, du droit de légitime défense. L’appliquer à Doha — État médiateur, partenaire de Washington, hôte d’une base militaire américaine et d’une diplomatie reconnue — relève moins du raisonnement juridique que de la rhétorique de circonstance.


C’est pourquoi la condamnation fut unanime dans les enceintes onusiennes : l’acte est une violation caractérisée de la souveraineté d’un État tiers. Il s’agit, au sens du droit, d’un emploi illicite de la force. Au sens de l’histoire, d’une fissure dans la légitimité même de l’ordre international qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, repose sur l’idée fragile mais précieuse que les frontières des médiateurs sont inviolables.


Diplomatie et sabotage : frapper le médiateur, c’est frapper la paix


Toute diplomatie est un art fragile. Elle suppose la confiance, la reconnaissance mutuelle, la croyance partagée qu’un espace peut exister entre l’hostilité absolue et la capitulation inconditionnelle. Le Qatar, depuis une décennie, incarne cet espace : interlocuteur des États-Unis, interlocuteur de l’Iran, protecteur des Palestiniens, hôte de la direction politique du Hamas, mais également partenaire de l’Union européenne.


Frapper à Doha revient à détruire la table où l’on avait encore l’espoir de négocier. La symbolique est limpide : aucun sanctuaire, fût-il celui d’un médiateur mandaté, n’est désormais sacré. En termes stratégiques, cela signifie que les pourparlers ne sont plus protégés par le voile de la neutralité diplomatique : ils deviennent eux-mêmes des cibles.


C’est là une nouveauté inquiétante : non seulement l’on conteste l’adversaire sur le champ de bataille, mais l’on criminalise l’espace même de la médiation. L’acte israélien envoie un message clair : nul acteur, même placé sous l’égide d’un État tiers, ne sera à l’abri. La logique diplomatique se trouve ainsi sabordée.


Or, comme le rappelait Raymond Aron, « la paix ne s’obtient que si l’on accepte de parler à l’ennemi ». En ciblant ceux qui, paradoxalement, étaient rassemblés pour examiner une trêve, Israël a pris le risque de démontrer qu’il ne souhaite pas de paix négociée, mais une paix imposée par la seule extinction de l’adversaire. C’est, philosophiquement, substituer le dialogue par la domination, la politique par la pure force.


Le rôle singulier du Qatar : de la générosité à la puissance par le “soft power”


Petit émirat posé sur la péninsule arabique, le Qatar n’est ni un empire militaire, ni une démographie menaçante. Sa force est ailleurs : dans la diplomatie financière, dans la puissance médiatique, dans ce que Joseph Nye nommait le soft power.


En Palestine, Doha investit depuis plus d’une décennie : aides humanitaires, salaires de fonctionnaires, subventions pour l’électricité et le carburant, dons aux familles les plus pauvres de Gaza. Officiellement, il s’agit d’éviter l’effondrement social ; officieusement, chacun sait que ces fonds, distribués avec l’assentiment tacite d’Israël lui-même, donnent au Qatar une influence considérable sur le Hamas.


Pourquoi ce choix ? D’abord, pour des raisons de légitimité arabe et islamique : soutenir la Palestine, c’est apparaître comme défenseur d’une cause sacrée dans l’opinion publique musulmane. Ensuite, pour des raisons stratégiques : en hébergeant les bureaux politiques du Hamas à Doha, le Qatar devient un passage obligé, un carrefour diplomatique. Washington lui-même accepte ce rôle, préférant que l’interlocuteur soit un allié “contrôlable” plutôt qu’une puissance rivale comme Téhéran.


Enfin, il y a la logique de protection : plus le Qatar devient indispensable à tous — aux Américains, aux Palestiniens, aux Européens, voire aux Israéliens eux-mêmes lorsqu’ils tolèrent le flux d’aides — plus il s’assure une sécurité que ni sa taille, ni son armée ne pourraient lui garantir. Être au centre de la médiation, c’est rendre sa propre existence politiquement incontournable.


Ainsi se comprend la réaction indignée de Doha : l’attaque du 9 septembre 2025 n’était pas seulement un affront à sa souveraineté ; elle était une remise en cause existentielle de la stratégie même qui fonde la survie de l’émirat.


Philosophie politique de la souveraineté : de Bodin à Arendt, la pierre angulaire violée


Au-delà de la géopolitique, il faut saisir ce qui se joue dans les profondeurs de la philosophie politique. La souveraineté, concept forgé au XVIe siècle par Jean Bodin, repose sur l’idée d’un pouvoir suprême, absolu à l’intérieur d’un territoire, non soumis à une autorité supérieure.


Depuis Westphalie (1648), la souveraineté est devenue la grammaire des relations internationales. La Charte des Nations Unies n’a fait que codifier, après la Seconde Guerre mondiale, ce principe déjà vieux de trois siècles : nul État ne doit violer le territoire d’un autre sans son consentement.


Frapper Doha, c’est donc s’attaquer à la pierre angulaire de l’ordre international. En termes schmittiens, c’est redessiner la ligne ami/ennemi au-delà du champ de bataille déclaré, et décider unilatéralement que le droit cède devant la raison d’État.


Or, comme l’enseignait Hannah Arendt, le pouvoir ne se réduit pas à la violence. Là où la violence commence, le pouvoir s’érode. En contournant le cadre juridique, Israël s’expose à une perte de légitimité. La force militaire peut détruire un bâtiment ; elle ne fonde pas une autorité reconnue.


Ce qui est atteint ici, c’est l’idée même que le monde puisse être régi par des règles communes. En piétinant la souveraineté d’un État tiers médiateur, Israël affaiblit non seulement le Qatar, mais la promesse fragile que la politique mondiale puisse être autre chose qu’une jungle sans loi.


« Terreur d’État » ? L’expression au prisme du droit et de la philosophie politique


Le Premier ministre qatari a qualifié la frappe du 9 septembre de « terrorisme d’État ». Certains y verront une formule rhétorique, d’autres une accusation grave mais imprécise. En vérité, l’expression mérite d’être examinée dans sa portée conceptuelle.


Le terrorisme, dans son acception commune, est l’usage de la violence à des fins politiques en visant à intimider une population civile ou à contraindre un gouvernement. Lorsqu’un État, détenteur du monopole légitime de la violence, emploie la force hors du cadre du droit et avec un effet d’intimidation généralisé, on peut parler — au moins politiquement sinon juridiquement — de terreur d’État.


C’est précisément ce qu’a souligné Doha : le message de la frappe n’était pas uniquement militaire ; il était symbolique et psychologique. Il signifiait : aucun espace n’est protégé, pas même celui de la médiation ; aucun acteur n’est intouchable, pas même sous la garantie d’un État souverain.


Carl Schmitt, dans sa réflexion sur l’état d’exception, montrait que la souveraineté se reconnaît au pouvoir de décider quand suspendre le droit. Ici, Israël s’est arrogé ce pouvoir, non seulement pour lui-même mais sur le territoire d’autrui. Dans cette perspective, l’acte relève bien de la terreur exercée par un État, non pas sur ses propres citoyens mais sur l’ordre international lui-même.


On pourrait objecter que le terme « terrorisme » appartient au registre des acteurs non étatiques. Mais l’histoire nous rappelle qu’il fut d’abord un concept appliqué à l’État lui-même : la « Terreur » de 1793 en France, menée par un pouvoir légitime contre sa propre population, fut le prototype. Parler de « terrorisme d’État » n’est donc pas un abus : c’est rappeler que l’État, lorsqu’il s’exonère des limites juridiques et qu’il emploie la violence pour intimider au-delà de la nécessité militaire, devient lui aussi un acteur terrorisant.


Dans le cas de Doha, le Qatar n’est pas seulement une victime collatérale : il est le destinataire d’un message. L’attaque équivaut à une sommation : cessez d’héberger la médiation, ou acceptez le risque de devenir un champ de bataille. Ainsi, l’acte n’était pas une opération militaire classique, mais une mise en demeure politique par la force — ce que la philosophie politique peut légitimement nommer terreur d’État.


L’Europe et la France : entre indignation et responsabilité


Face à l’événement, la France a été l’une des premières voix à dénoncer la frappe comme « inacceptable, quel qu’en soit le motif ». Emmanuel Macron, en solidarité avec l’émir du Qatar, a rappelé que la guerre ne devait en aucun cas s’étendre à la région. Cette condamnation, quoique ferme, doit désormais se traduire en action.


L’Europe, depuis des décennies, se pose en gardienne du droit international. Mais que vaut ce rôle si, face à une violation aussi flagrante, elle se limite à des mots ? L’Union européenne doit assumer sa vocation normative : défendre la souveraineté des États tiers, soutenir le Qatar dans ses efforts de médiation, et rappeler que la lutte contre le terrorisme ne peut servir de paravent à la violation systématique des règles fondamentales.


La France, héritière d’une tradition juridique universaliste, se trouve en première ligne. Paris n’est pas seulement une capitale diplomatique ; elle est aussi la voix d’une philosophie politique héritée des Lumières, qui a posé les bases de l’égalité des nations. Ne pas agir reviendrait à entériner une logique où la force prime le droit.


Certes, la France est alliée d’Israël et des États-Unis. Mais l’amitié véritable n’exclut pas la critique : elle la suppose. En dénonçant avec clarté l’acte de Doha, la France réaffirme non seulement son rôle moral, mais aussi sa propre sécurité juridique. Car si l’on accepte qu’un État puisse bombarder la capitale d’un médiateur, quel pays, demain, pourra se croire à l’abri ?


L’Europe, plus largement, doit saisir cette occasion pour redevenir un acteur stratégique autonome. Non pas en opposition aux États-Unis, mais en rappelant que l’ordre international ne se réduit pas aux rapports de force. La souveraineté, le droit, la médiation : voilà les piliers d’une paix durable. À défaut, l’Europe se condamnerait à n’être qu’une spectatrice impuissante des convulsions du Proche-Orient.


Doha, la souveraineté bombardée, ou la fin d’une époque


Il est des événements qui dépassent leur propre géographie. La frappe de Doha n’est pas qu’une affaire qataro-israélienne : elle est un révélateur. Révélateur de la fragilité de l’ordre international, révélateur de la tentation croissante des États de s’affranchir du droit, révélateur enfin de la difficulté, pour l’humanité, de croire encore à la diplomatie.


Doha, le 9 septembre 2025, n’est pas seulement un jour de deuil ; c’est un avertissement. Si la communauté internationale accepte ce précédent, alors la souveraineté ne sera plus qu’une fiction, la médiation un champ de bataille, la paix une illusion fragile à la merci de chaque missile.


Pourtant, l’histoire n’est pas écrite. Le Qatar persiste à offrir ses bons offices. La France et l’Europe ont condamné avec force. Les Nations Unies, malgré leur impuissance chronique, demeurent le forum où rappeler la règle commune. C’est dans la réaction collective à cette fracture que se jouera la véritable signification de Doha.


La philosophie politique nous enseigne que la paix n’est pas l’absence de guerre, mais la reconnaissance réciproque des souverainetés. Lorsque cette reconnaissance est bombardée, c’est le contrat même de la communauté internationale qui vacille.


Alors, il nous faut redire, avec gravité et conviction : frapper le médiateur, c’est frapper la paix. Saboter la négociation, c’est prolonger la guerre. Délégitimer la souveraineté, c’est menacer l’ordre mondial. Doha restera dans l’histoire comme le lieu où ces vérités se sont imposées dans le fracas d’une explosion.


Et à nous, Européens, Français, citoyens du monde, il revient de décider si nous voulons que ce fracas soit le prélude à l’ère de la force sans loi, ou bien l’électrochoc qui nous ramène à la sagesse des règles.


Si la guerre est l’échec de la politique, le bombardement de Doha est l’échec de la sagesse. Mais c’est aussi, peut-être, l’occasion de la réinventer. Car jamais le monde n’a autant eu besoin d’une Europe audacieuse, d’un droit réaffirmé, d’une diplomatie courageuse.


Que Doha ne soit pas un tombeau, mais un signal : celui qui nous rappelle que la paix n’est pas une option, mais une urgence. Et que la souveraineté des médiateurs, dans un monde convulsif, est notre dernier rempart contre la barbarie.


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