Sigrid de Montrond : la "Dame de Verre" dévoile ses perles de feu et de lumière à la Galerie Visconti
- L'ÉPOQUE PARIS

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L'ÉPOQUE - À Paris, certaines expositions ne s’annoncent pas, elles s’imposent. Luce di Murano appartient à ces récits rares, mêlant lumière, mémoire et rivalités feutrées. À la galerie Atelier Visconti, jusqu’au finissage du 18 décembre, l'artiste et galeriste Sigrid de Montrond révèle un univers où le verre devient langage, le bijou confession, et la création un acte de souveraineté. Celle que j’ai choisie de nommer « La Dame de Verre » invite le regard à entrer dans une histoire en cours, entre Venise et Paris, entre éclat et ombre, entre scandale et grâce.
12.12.2025 © L'ÉPOQUE PARIS
Par Nereides de Bourbon

Paris aime les histoires qui ne se ferment pas d’un seul geste, celles qui se déploient dans le temps comme un parfum persistant. Luce di Murano appartient à cette catégorie rare, une exposition qui ne s’est pas contentée d’un vernissage mais qui continue de vivre, de vibrer, d’attirer les regards et les murmures, jusqu’à son finissage, jeudi 18 décembre, à la galerie Atelier Visconti, rue Visconti, au cœur de Saint-Germain-des-Prés.

Depuis son ouverture, l’exposition agit comme un foyer discret mais brûlant. On y revient. On en parle. On s’y reconnaît. Et surtout, on y découvre ou l’on redécouvre une artiste dont la présence excède largement les objets qu’elle crée. La Comtesse Sigrid de Montrond, que j’ai renommée « La Dame de Verre », s’y révèle dans toute la complexité de son geste, à la fois fragile et tranchant, lumineux et secret, aristocratique et profondément libre.

Il était inévitable que le récit s’ouvre sur l’ombre longue de l’Affaire du Collier. Marie Antoinette n’est jamais loin lorsque la beauté devient un champ de bataille. Comme la Reine autrefois, Sigrid ne provoque pas le scandale par ses actes mais par son éclat. Elle dérange parce qu’elle éclaire trop bien.
À Venise, certains ateliers murmurent encore. Les verreries parlent à voix basse. Une jalousie ancienne, presque rituelle, s’est réveillée autour d’elle, celle qui naît lorsque la lumière cesse d’être partagée et devient souveraine. À Venise, la lumière est un territoire, dit on. Et Sigrid y règne avec une aisance qui ne demande aucune permission.

Ce climat trouve un écho troublant dans l’actualité parisienne. Le vol récent de bijoux au Louvre, survenu alors même que Luce di Murano s’installait rue Visconti, a donné à la ville le frisson des grandes coïncidences. Des colliers ont disparu. Des pièces d’une finesse extrême, presque respirantes. Et dans les couloirs feutrés des musées comme dans les salons, une phrase circule. Chaque fois que la lumière surgit quelque part, l’ombre tente ailleurs de la dérober. Le parallèle est trop parfait pour ne pas troubler.

Mais c’est bien à la galerie Atelier Visconti, propriété de Sigrid et de son mari Xavier de Montrond, que la lumière s’est fixée. Pour la quatrième fois, l’artiste y présente un ensemble vénitien d’une cohérence rare, lampes, bougeoirs, embrasses de rideaux, bonbonnières, objets de verre qui ne cherchent jamais l’effet mais l’équilibre. Des œuvres construites à partir de pièces uniques, souvent impossibles à apparier, comme ces demoiselles de la nuit qui s’allument et s’éteignent sans jamais porter de nom.

Le monochrome y domine, verre transparent presque absolu, ponctué seulement de quelques découvertes colorées qui apparaissent comme des exceptions assumées, des émerveillements inattendus.
À cet ensemble s’ajoute un élément essentiel, un mur textile de la prestigieuse Maison Fortuny, venue de Venise, qui habille la galerie et restera en place jusqu’à la fin de l’exposition. Le verre et le textile dialoguent ici comme deux matières anciennes qui se reconnaissent. La toile devient trame. La lumière s’y pose. Paris et Venise s’y rejoignent.

Dans cette continuité s’inscrit également l’Affaire du Collier, non plus comme scandale historique mais comme collection vivante. Cette année, Sigrid y a intégré de nouveaux éléments issus de la Maison Seguso des années 1940, pièces lourdes, fragiles, uniques, qui s’entrelacent avec des éléments plus récents et plus légers. De cette rencontre naissent des colliers objets, œuvres d’art que l’on peut poser ou porter, oscillant entre bijou et sculpture. Une démarche qui assume le paradoxe et séduit précisément parce qu’elle refuse toute facilité.

Aujourd’hui, alors que l’exposition se poursuit, L'ÉPOQUE a choisi d’en approfondir le récit par une double immersion photographique exclusive. D’abord à la galerie, où lampes et candelabres ont été saisis dans leur environnement naturel, au milieu des textiles Fortuny. Puis à L’Hôtel, à Saint Germain des Prés, dernière demeure d’Oscar Wilde.

Là, Sigrid a été immortalisée par la caméra du photographe Lello Ammirati, portant ses colliers de verre, ses « Perles de Feu », dans un décor de velours, de bibliothèques secrètes et de lumières tamisées. Une atmosphère de boudoir, presque vénitienne, où Paris semble se souvenir qu’il fut aussi une ville de confidences et d’excès raffinés. Wilde écrivait que la beauté est une promesse de bonheur. Ici, cette promesse prend corps.

Il faut aussi dire un mot de l’artiste elle même, au delà de l’œuvre. Sigrid vit entre deux adresses comme sur une balançoire. Venise et Paris rythment ses projets, la Biennale à venir au Palazzo Bragadin, une exposition parisienne de Vincent Lajarige à Saint-Germain-des-Prés au printemps prochain, la Glass Week de Venise à l’été 2026 avec Maria Grazia Rosin, toujours au Bragadin. D’autres projets existent, encore tus. En parallèle, la recherche textile se poursuit, jusqu’à imaginer un jour coudre le verre à l’or pur, lorsque l’aiguille deviendra baguette magique sur l’île de Murano.

La Dame de Verre, elle le dit elle même, est peut être un trait de caractère, coupante, fragile, forte à la fois, capable de tomber sans jamais se briser. C’est exactement ce que l’on ressent en parcourant Luce di Murano. Une exposition qui ne se contente pas d’être vue mais qui s’inscrit dans le temps, jusqu’à son dernier soir, jeudi 18 décembre, lorsque la galerie Atelier Visconti refermera doucement ses portes.
D’ici là, Paris est invité à entrer, à regarder, à écouter. Et à comprendre qu’une histoire est en train de s’écrire, entre verre et textile, entre ombre et lumière, entre Venise et Paris, sous le nom que j’ai choisi pour elle, La Dame de Verre.

ATELIER VISCONTI
4, rue Visconti 75006 Paris
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